La série Netflix Sirens, avec Julianne Moore, est-elle vraiment féministe ?
Par un habile jeu de dupes, la série Sirens déjoue les archétypes des figures de femmes tentatrices et manipularices pour proposer une vraie vision féministe. Portée par Julianne Moore, la production Neflix brille par ses nuances et par ses performances d’actrices habitées.
par Violaine Schütz.
Ces dernières années, en même temps que la société mutait (notamment avec le mouvement #MeToo), on voyait apparaître sur nos écrans des femmes prenant le pouvoir. Que ce soit dans les séries Scandal, The Crown, Game of Thrones, Homeland, Baron noir, The Politician (avec Gwyneth Paltrow), The Regime (avec Kate Winslet), Mrs. America, La Diplomate ou le film G20 (avec Viola Davis), les femmes accédaient ainsi aux plus hautes sphères de la domination. Par la force, l’intelligence ou la ruse.
Quand les séries mettent les femmes au pouvoir
Mais le pouvoir n’est pas forcément de nature politique pour les héroïnes de fiction. Dans The Morning Show, Jennifer Aniston et Reese Whiterspoon, journalistes TV, détiennent une grande force médiatique. Et dans Nine Perfect Strangers, Nicole Kidman (qui joue une girl boss adepte de SM dans Babygirl) incarne la gourou d’une secte au fort pouvoir de séduction. Dans tous les cas, le miroir qu’elles tendent aux vraies femmes est celui d’une possibilité nouvelle de s’affirmer. Car même lorsqu’elles sont des antagonistes, ces héroïnes arrivent bel et bien à s’imposer dans un monde d’hommes. Alors que dans la réalité, ça reste encore un défi pour beaucoup de femmes.
Dans la lignée de ces figures qui exercent sur leur entourage (et sur le public) un ascendant certain, et une fascination, il faudra désormais ajouter le personnage de Julianne Moore dans la série Sirens. Diffusé sur Netflix depuis le mois de mai 2025, le programme dépeint la relation (en apparence) malsaine entre Michaela Kell (Julianne Moore), une rousse diaphane à la tête d’une œuvre de charité qui semble maltraiter son employée, l’assistante personnelle Simone (Milly Alcock), issue d’un milieu modeste.
Julianne Moore, despote magnétique dans la série Sirens sur Netflix
Créée par une femme (Molly Smith Metzler, derrière la sublime série Maid), Sirens semble ainsi, dans ses premiers épisodes, offrir un nouveau personnage de mondaine despotique, avide de luxe et énigmatique. Une sorcière – un plan hitcockien la présente d’ailleurs avec un oiseau ensanglanté près du visage – parée de vêtements de déesse richissime (elle a épousé un milliardaire) à la beauté évanescente.
On se dit d’emblée qu’il faut la détester car elle refuse les smoothies de ses employés et en demande beaucoup à son staff. Le terme « sirènes » laisse d’ailleurs penser que les trois héroïnes de la série sont comme dans le mythe issu du folklore : ces sublimes créatures hybrides issues des mers murmuraient des mélopées aux oreilles des marins pour les faire succomber. Et se noyer. Mais au fond, n’étaient-elles pas des captives piégées entre l’eau et la terre ?

Mais peu à peu, on se rend compte qu’il s’agit d’un jeu de dupe. Autour de Michaela, de Simone et de la sœur de cette dernière, Devon, vendeuse dans un restaurant de falafel et ex-acoolique accro aux hommes (incarnée par l’excellente Meghann Fahy), gravite un grand nombre d’hommes problématiques : amant toxique et infidèle, riche héritier pris par le démon de midi, père dépressif et maltraitant… C’est eux qui les font courir à leur perte autant que leurs propres démons. Et surtout, c’est Peter (Kevin Bacon), le patron philantrhope de Simone faussement sympathique, qui cherche, en secret, à les diviser.
Des personnages féminins complexes et tout sauf manichéens
Les femmes de Sirens, elles, se révèlent au final aussi imparfaites et humaines que leurs homologues masculins. Et si elles sont parfois jugées « monstrueuses » par le spectateur, à l’image de la jeune Simone qui n’hésite pas à voler le mari de sa patronne et à tourner le dos à sa famille et à ses origines sociales, on finit par les comprendre.
Simone a souffert de la mort de sa mère dans un terrible accident, alors qu’elle était enfant. L’autoritaire Michaela souffre de jamais avoir pu avoir d’enfant. Et son mari le lui fait bien payer. Tandis que l’instable Devon a tout fait pour protéger sa soeur, jusqu’à s’oublier elle-même.

Si la série Sirens s’avère parfois confuse (en voulant mélanger constamment The White Lotus, Nine Perfect Strangers, satire sociale et pensées sur le sexisme), elle dresse pourtant un intéressant portrait de la condition féminine et des injonctions qui pèses sur le deuxième sexe.
Le spectateur se trompe dès le départ sur ces femmes aux airs de control freaks et de figures tentatrices car il est pris au piège de ses propres préjugés sexistes. Il les juge comme le patriarcat les juge, calquant sur elle des volontés viles. En réalité, rarement, à la télévision, on aura vu des personnalités de femmes aussi fouillées, complexes et nuancées que celles de la série Netflix.
Sirens, créée par Molly Smith Metzler, disponible sur Netflix.