22 mai 2025

Le retour fracassant de Jaguar, entre sport automobile et concept car stupéfiant

Comment la mythique marque Jaguar réinvente son avenir dans le luxe électrique ? Design audacieux, Formule E, concept-car Type 00… la marque britannique prépare un renouveau radical. Immersion dans sa stratégie visionnaire…

  • Par Alexis Thibault.

  • Jaguar : la naissance d’une voiture mythique

    Jaguar, c’est d’abord une silhouette. Celle d’une XK120, biplace de 1948 fendant la brume anglaise. Une marque née en 1922, à Blackpool, sous la main visionnaire de William Lyons, gentleman styliste plus qu’industriel, qui rêvait de véhicules aussi élégants qu’inoubliables. C’est aussi une entreprise qui flattera les sens plus que les chiffres : lignes félines, performances racées, et un raffinement si british qu’il semble presque insolent. Dans les années 50, Jaguar est partout où l’on célèbre la vitesse et la classe : sur les podiums du Mans, dans les garages de l’aristocratie et dans les regards envieux. Mais les décennies passent, et le félin finira parfois par ronronner davantage qu’il ne rugit.

    Fort heureusement, Jaguar Land Rover (depuis 2013) ne se cache pas de ses errements. “Sur les 20 dernières années, nous n’avons pas été très performants commercialement”, admet-on en interne. Mais ce constat, loin de les plomber, agit comme une mue : la marque veut redevenir elle-même, tout en changeant tout. L’optimisme finira bien par payer n’est-ce pas ? En 2017, le constructeur enregistre ses meilleures ventes internationales avec plus de 600 000 véhicules écoulés. Une augmentation de 7% sur l’année précédente et plus de trois fois le volume de 2009.

    La Jaguar Type 00, présentée par le directeur de la création de la marque Jaguar, le professeur Gerry McGovern, OBE. Un concept qui reprend la philosophie du fondateur, Sir William Lyons, qui croyait que Jaguar devait être une “une copie de rien”.

    Jaguar : la métamorphose d’une marque

    Aujourd’hui Jaguar ne prépare pas un virage mais une renaissance. Et cette refonte ne laisse aucune place à la demi-mesure. “C’est un redémarrage complet”, affirme un des responsables de la marque, sourire aux lèvres. Le cap est clair : devenir un acteur majeur du luxe électrique. Mais pas un de plus. Un vraiment à part.

    L’idée n’est certainement pas d’envisager un vulgaire ersatz de Tesla, ni d’avancer derrière les Allemands. Il s’agit plutôt de recréer du désir – du vrai. Le genre de coup de foudre que provoque une voiture que l’on n’attendait pas. Jaguar envisage des réactions émotionnelles, pas des comparatifs techniques. Pour cela, trois axes : des produits à tomber, une expérience d’achat irréprochable, et une identité singulière, fidèle à l’esprit anticonformiste de William Lyons.

    Être original. Ne copier personne.” Voilà un slogan qui ne doit surtout pas sonner creux. Ce sera un showroom à Paris ou Londres qui ressemblera plus à une galerie d’art qu’à une concession. Un concept-car aux proportions audacieuses, monté sur roues monumentales de 23 pouces. Un son recréé d’une C-Type victorieuse au Mans en 1951 et 1953, disponible sur demande dans un col de montagne. Oui, une bande-son historique dans une électrique, pour les nostalgiques du rugissement maîtrisé. La technologie dans ce qu’elle a de plus rusé.

    Une participation au championnat de Formule E

    La Formule E, longtemps regardée de haut par les puristes de la course, est aujourd’hui un laboratoire de vitesse électrifiée. Jaguar y est plus qu’un invité, c’est un compétiteur engagé qui y voit un levier stratégique autant qu’un terrain de jeu technique.

    La marque s’est engagée jusqu’à la Gen4. La quatrième génération de monoplaces électriques, prévue pour faire ses débuts lors de la saison 13 (2026/2027). Preuve que ce n’est pas un simple coup de communication. L’objectif est double. Transfert de technologie vers les modèles de série. Transfert d’émotion vers un public plus jeune. Car si l’électrique séduit de plus en plus, c’est souvent sans passion. Jaguar l’a bien compris et compte justement renverser cela. Mais comment faire aimer l’électricité à ceux qui viennent pour les sensations ?

    En ce début du mois de mai, la principauté de Monaco n’est pas un simple décor. C’est une scène. Le constructeur y est venu non pour parader, mais pour affirmer un style, présenter un manifeste. Les stands sont remplis de journalistes, de passionnés, d’influenceurs triés sur le volet. Et puis le Monaco E-Prix 2025 a marqué un tournant historique pour la Formule E en organisant, pour la première fois, un double-header sur son circuit en ville légendaire. Deux épreuves distinctes. Les courses ont eu lieu les 3 et 4 mai 2025, constituant respectivement les sixième et septième manches de la saison 11 du championnat du monde ABB FIA de Formule E.

    À quelques pas du circuit, avant et après la course, c’est le concept Type 00 qui fait tourner plus d’une tête. Une sculpture roulante, teinte “French Ultramarine”, mais revue à la sauce Blade Runner. Le design s’impose sous le crépitement des flashs : choc esthétique, silence, désir immédiat. Quelques semaines plus tôt, on apercevait même un acteur en vogue dans l’habitacle, l’Irlandais Barry Keoghan, nommé à l’Oscar du meilleur second rôle en 2023 pour sa prestation dans Les Banshees d’Inisherin de Martin McDonagh.

    Formula E: Driver : un pilote Jaguar dans un docu-série Amazon Prime Video

    Dans cette stratégie de reconquête du cœur (et de l’attention) du public, Jaguar a compris une chose essentielle : les récits sont aussi puissants que les moteurs. La preuve ? La présence du pilote Mitch Evans dans la nouvelle série Amazon Formula E: Driver. La marque n’est plus seulement dans les paddocks, elle entre ainsi dans les salons, sur les écrans, dans les discussions de ceux qui n’ont jamais mis les pieds sur un circuit.

    On montre l’homme derrière le casque, l’effort derrière la technologie. Dans ce jeu de narration moderne, où la plateforme Netflix a changé la donne avec la série documentaire Drive to Survive (2019) qui a tout simplement cartonné.

    Quel avenir pour Jaguar ?

    Ce qui est certain, c’est que Jaguar regarde l’avenir non avec nostalgie, mais avec ambition. Elle ne renie rien de son passé, mais choisit soigneusement ce qu’elle en conserve. Le son d’un moteur d’antan, peut-être. La quête de beauté, toujours. L’envie d’étonner, inlassablement.

    Alors, Jaguar fera-t-elle partie des grands noms du luxe électrique de demain ? Si elle continue à conjuguer design, audace et différence comme elle le fait aujourd’hui, la réponse pourrait bien être oui. À condition de ne jamais céder à la facilité. L’avenir, comme le passé, ne sourit qu’aux audacieux.

    Formula E: Driver, disponible sur Amazon Prime Video.