Merchandising : comment la restauration s’impose dans le monde des produits dérivés
Le merchandising de restaurants connaît un essor fulgurant et séduit une nouvelle génération de consommateurs en quête d’identité visuelle et culturelle. Entre casquettes siglées, t-shirts collectors et collaborations design, les établissements rivalisent de créativité, notamment depuis la pandémie. Cette tendance pourrait-elle détrôner le merchandising musical dans l’univers du lifestyle ?
Par La rédaction.
Le merchandising : avant tout une affaire de musique
Il fut un temps où porter un tee-shirt à l’effigie d’un groupe signifiait appartenir à une tribu, afficher une passion, ou revendiquer un certain goût musical avec plus ou moins de second degré. Joy Division, Nirvana, Bad Bunny… les icônes s’arborent depuis longtemps comme des drapeaux. En témoigne notre enquête sur le business délirant du merchandising.
Désormais, ce sont les logos de restaurants et d’hôtels qui colonisent les torses des jeunes citadins. Un hoodie “Hotel Amour”, une casquette « Tam-Ky », du nom du supermarché asiatique, ou un tote bag « Café de Flore » suffisent à signaler l’appartenance à une communauté. Le merchandising de la restauration gagne lentement du terrain et pourrait un jour concurrencer celui de la musique…
Du simple mug aux collaborations stratégiques
Depuis quelques années, les cafés, hôtels et tables en vogue rivalisent d’imagination pour s’offrir une place dans le vestiaire des plus gourmands. Kitsuné, en pionnier du genre, propose ainsi, depuis plusieurs années, mugs, casquettes, tee-shirts et même chaussettes siglées d’un renard stylisé. Le café Kitsuné demeurant l’extension culinaire de la marque et du label de musique éponyme. Le groupe Bao Family, déjà connu pour ses décors léchés et ses plats pensés pour Instagram, lui emboîte le pas. Et l’établissement collabore avec la marque Puma France pour lancer une collection streetwear à l’occasion du Nouvel an lunaire.
De son côté, La Nouvelle Garde, empire bistronomique nouvelle génération (Brigade du Tigre, Bellanger, Dubillot…), met autant de soin à dessiner ses casquettes qu’à dresser ses entrecôtes-frites. Tuba, à Marseille, écoule des cendriers pensés comme des objets design, tandis que L’As du Fallafel propose un tee-shirt en collaboration avec Highsnobiety.
Les plus grandes institutions parisiennes ont succombé. Le légendaire Café de Flore, via sa capsule « Not in Paris », se voit propulsé au rang de marque lifestyle. Même Erewhon, chaîne d’épicerie haut de gamme américaine, se retrouve dans les rayons du concept store parisien Merci avec une collection capsule à l’iconographie californienne savamment étudiée.

L’après Covid et le changement de modèle économique
Tout porte à croire que le Covid a agi comme un catalyseur. Face à la fermeture prolongée des lieux de vie, de nombreux restaurateurs ont vu dans le merchandising (abrégé le merch’) un moyen de survivre, mais aussi de garder un lien avec leur communauté. L’acquisition de produits dérivés devient un moyen d’afficher son soutien à des commerçants désabusés…
Post-pandémie, la plupart des établissements comprennent qu’ils peuvent aller plus loin. Notamment en repensant leur image à la manière d’une marque plutôt que d’un restaurant. À l’instar des groupes de musique indés des années 2000, ils fédèrent une communauté autour de leur esthétique, de leurs valeurs, de leur direction artistique. Leurs produits dérivés peuvent exister auprès de ceux des firmes surpuissantes, de Coca-Cola à McDonald’s.

Le merchandising pensé comme une nouvelle scène culturelle
Le merchandising de la musique s’est progressivement dilué dans la fast fashion et les collaborations opportunistes. Les restaurants ont trouvé une brèche. Et les jeunes générations préfèrent revendiquer un lieu vécu, un univers gustatif, une ambiance. Le tee-shirt « Verre Volé » permet donc de revendiquer un goût spécifique et une connaissance des adresses parisiennes en vogue. Je me définis pas les lieux que je cotoie.
À l’ère des réseaux sociaux, la restauration est devenue un langage. Là où la musique incarnait l’émotion brute, les restaurants incarnent la narration du quotidien stylisé. Ils sont nos nouveaux temples, nos nouvelles scènes, nos nouveaux clubs.
Le merchandising de restaurants pourrait-il remplacer celui de la musique ? Clairement pas. Mais il l’a déjà débordé, sur un terrain autre : celui du lifestyle, du lien affectif, du cool tangible. À défaut de concerts, on va dîner.